Le 4ème congrès de la SFNDT

octobre 5, 2020 - Pierre Hornus

Créé par Pfizer France, en partenariat avec l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (ICM) et son incubateur santé iPEPS, le Pfizer Healthcare Hub est un programme d’accélération, qui vise à soutenir le développement de startups spécialisées dans l’e-santé. Depuis quelques semaines déjà, 4 pépites françaises ont intégré cet incubateur et bénéficient d’un accompagnement sur-mesure pendant 9 mois.

A mi-parcours, comment cette dynamique d’innovation s’exprime-t-elle au sein des équipes ? Comment se déroule le programme de mentorat entre Pfizer France et les startups ? Quels sont leurs points communs et leurs différentes approches ? Quel premier bilan peut-on dresser ?
Retour d’expériences avec Daniel Szeftel, co-fondateur de Sêmeïa et Hedi Ben Chaabane, directeur global Market Access en inflammation et immunologie.

Une présentation en quelques mots ?

Daniel Szeftel, co-fondateur de Sêmeïa : Sêmeïa (signaux en grec, ndlr) est une startup spécialisée dans le suivi des patients atteints de maladies graves ou chroniques, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle. Par essence, aucun patient ne se ressemble : certains n’ont pas besoin d’accompagnement spécifique, alors que d’autres nécessitent une prise en charge plus rapprochée et très personnalisée. Cela concerne en général les personnes les plus fragiles et les plus désocialisées, qui ne vont pas spontanément entrer dans une démarche d’interaction avec le système de santé. Nos outils de suivi s’adressent en priorité à ces publics en grande difficulté. Grâce à l’intelligence artificielle (IA) et aux données de remboursement de l’Assurance maladie, nous avons construit des modèles prédictifs, qui permettent d’identifier les patients à risque (arrêts de traitement, effets secondaires, ré-hospitalisation…) et d’anticiper les ruptures potentielles dans le parcours de soins. La solution Sêmeïa est déjà utilisée dans les pathologies telles que le diabète. Pour mettre en œuvre notre modèle prédictif, nous nous sommes appuyés sur les datas de 400 000 patients diabétiques. Aujourd’hui, nous souhaitons déployer ces outils de suivi d’IA dans de nouvelles aires thérapeutiques.

Hedi Ben Chaabane, directeur global Market Access en inflammation et immunologie : Pfizer France, c’est évidemment un laboratoire expert qui possède une grande maîtrise des domaines pharmaceutique et médical. A ce titre, nous savons parfaitement concevoir et développer des médicaments, de la R&D jusqu’à la phase de commercialisation. Si l’on se projette dans les 15 ans à venir, il serait intéressant de mieux appréhender le comportement des patients, afin d’améliorer leur parcours de soins. Et quoi de mieux qu’un modèle prédictif, pour anticiper les moments à risque pour les patients ?

Justement votre première rencontre… C’était un choc des cultures ?

D.S : Aucun choc de culture, bien au contraire ! Je parlerais plutôt de synergie dans notre approche et notre collaboration. Pfizer France est très aguerri en Recherche & Développement, et de notre côté, nous avons développé une réelle expertise dans la data. Nos univers sont donc très complémentaires, avec un point commun indéniable concernant une meilleure prise en charges des patients. La différence notable repose sur notre façon de travailler, avec des enjeux de temporalité parfois contraires !

H.B.C : Concernant ces enjeux de temporalité, nous pouvons les résumer en une phrase : « Chez Pfizer, nous planifions les projets en amont puis nous passons à l’action. Chez Sêmeïa, on passe d’abord à l’action, puis on planifie ! » C’est toute la différence, et je pense que nous avons beaucoup à apprendre de cette méthodologie très agile, qui caractérise l’innovation de rupture.

Concrètement, comment se déroule le mentorat ?

D.S : C’est un mentorat constructif, riche en enseignement et en rencontres ! Les premiers mois nous ont permis de faire connaissance et de voir comment nous pouvions conjuguer nos compétences en Data et en recherche médicale. Pour nous familiariser à l’univers de l’industrie pharmaceutique, nous avons mené un certain nombre d’entretiens individuels avec différentes Business Units du groupe : accès au marché, médical, juridique, inflammation immunologie… L’objectif ? Identifier des besoins éventuels et valider certaines de nos hypothèses de travail. En effet, l’équipe Sêmeïa n’a pas toujours le temps de la réflexion et le recul nécessaire ; ces échanges ont permis à nos ingénieurs et data scientists de prendre de la hauteur.
H.B.C : Ce mentorat s’est déroulé telle une valse à 3 temps. Première phase : la découverte de l’autre, avec la compréhension de nos univers respectifs et l’établissement d’un objectif stratégique. Deuxième phase : l’action ! Et cela commence aujourd’hui autour de rencontres avec les professionnels de santé et les associations de patients. Dernière phase : l’accélération, avec l’établissement du « Proof Of Concept » (POC). Incontournable ce POC, cette preuve du concept, est l’essence même du Hub Pfizer France et de notre collaboration : nous devons démontrer de façon tangible que le projet porté par Sêmeïa répond à un besoin réel des patients et des professionnels de santé.

Quel premier bilan tirez-vous ? Qu’attendez-vous de la dernière ligne droite ?

D.S : C’est un bilan plus que prometteur puisque — pendant notre incubation — nous avons identifié deux aires thérapeutiques sur lesquelles notre solution prédictive pourrait s’appliquer : l’oncologie et la polyarthrite rhumatoïde. Pour cette maladie auto-immune, une des idées émergentes serait d’ajuster le traitement et les doses administrées, selon l’intensité des symptômes, à l’instar du diabète. Nous poursuivons la même logique en oncologie (thérapies ciblées et hormonothérapie), avec des enjeux en termes d’observance, de complications et d’effets secondaires…
Les différents échanges avec des rhumatologues et oncologues vont nous permettre de construire des protocoles de recherche pointus, car leur maîtrise de la pathologie va venir challenger notre propre connaissance des datas.
Des valeurs communes ? Trois adjectifs pour définir votre collaboration ?
D.S et H.B.C : C’est une collaboration à la fois constructive, fluide et enrichissante. Le secret de cette réussite ? La communication. Nous échangeons souvent pour garder un même niveau d’information, et confronter ou conforter nos points de vue. Enfin, Sêmeïa et Pfizer France nourrissent la même ambition de développer des solutions qui améliorent durablement le suivi des patients.

Qu’est-ce que ce programme de mentorat vous aura appris mutuellement sur vos univers respectifs ?

D.S : Au-delà de son expertise, Pfizer France dispose d’un solide réseau en interne et en externe, qui facilite grandement les rencontres et les échanges. Depuis notre entrée dans le Hub, j’ai vraiment ressenti cette notion d’accélération et de meilleure visibilité. Les portes s’ouvrent plus facilement…

H.B.C : Par le passé, durant mes études supérieures, j’avais moi-même travaillé sur un projet entrepreneurial dans le domaine pharmaceutique. C’est un milieu qui m’a toujours intéressé : j’aime cet esprit entrepreneur, cette audace, mais surtout cette vélocité dans les prises de décision ! En devenant mentor de Sêmeïa, je participe à une expérience enrichissante aussi bien personnellement que professionnellement.